Introduction

Les origines lointaines du karaté


   L'origine d'un art de combat qui, en se modifiant, a donné naissance au Karate-Do se perd dans la nuit des temps. On peut toutefois en retrouver ses racines dans l'Inde de l'antiquité : Dans le Sutra (texte sacré bouddhiste), Lalita Vistara a écrit que Bouddha Shakyamuni n'avait pas son pareil dans la pratique du combat à mains nues, le tir à l'arc et d'autres arts de combat. Il était né à une époque tourmentée qui voyait se succéder de nombreuses guerres civiles et était le prince héritier d'un royaume important. Il nous semble tout à fait plausible qu'il ait été effectivement un véritable maître des arts de combat. Bouddha est décédé en Inde centrale, dans la capitale de la région connue sous le nom de Malla. Il est écrit que les huit porteurs du cercueil, lors de son enterrement, étaient tous des maîtres d'arts de combat du Malla. Même si dans l'enseignement du bouddhisme en Inde il n'y a pas de traces d'un enseignement de quelconques arts de combat, il ne faut pas oublier qu'il s'agit là de la période qui a précédé la quête de Bouddha qui devait le conduire à l'Eveil.


   Quoi qu'il en soit, l'esprit moniste de la civilisation indienne influencera profondément et durablement toute l'Asie.


Bodhidharma et son enseignement


   Environ 1000 ans après Bouddha, un moine - le 28 ème patriarche du Bouddhisme, pour de mystérieuses raisons, quitte la chaude Inde et entreprend un périlleux voyage vers l'Est. C'est Bodhidharma (Tamo en chinois, Daruma en japonais). Bien que la Chine ait un empereur bouddhiste, leur rencontre et le dialogue qui s'en suivi poussèrent Bodhidharma à quitter la proximité du pouvoir et à se diriger vers le Nord de la Chine. Bodhidharma considérait que le bouddhisme était dénaturé et décida de semer la graine du vrai bouddhisme qui sera à l'origine du Tchan (Zen en japonais). Il s'installe alors au temple de Shaolin Su.


   C'est méconnaître l'esprit extrême oriental que de croire que Bodhidharma est resté assis neuf années face à un mur, sans bouger. Son enseignement était basé sur la pratique de la méditation assise (Zazen) et du contrôle musculaire. Mais pour le reste, il mangeait, marchait, etc., comme tout un chacun. Des textes bouddhistes font mention de l'introduction par Bodhidharma d'une méthode d'art de combat à mains nues qui fera plus tard la renommée du temple de Shaolin.


La période chinoise


   L'esprit pratique et inventif des Chinois ainsi que l'étendue du pays font que, dès lors, il existe un grand foisonnement de méthodes, toutes plus différentes les unes des autres, avec deux principales écoles (école du Nord et école du Sud). La pratique des armes, considérées comme des extensions naturelles du corps, se développe.


Okinawa (Ryu Kyu)


   Quand on repère Okinawa sur une carte, on est surpris de voir que c'est au sien de ce petit archipel qu'est né le Karaté. L'archipel payait le tribut à la Chine et fût plus ou moins sous influence japonaise ou chinoise. De ces contacts avec la Chine, cet art de combat à mains nues s'introduisit à Okinawa où il se développa, principalement au sein la noblesse.


   Notons que la belle histoire selon laquelle des paysans qui n'avaient pas le droit de posséder d'armes ont développé une méthode de combat à mains nues n'est pas complètement établie, même si elle se base sur une réalité historique (l'interdiction de posséder des armes).


   En 1609, le très guerrier clan des Satsuma (Sud du Japon) envahit Okinawa et y implante l'influence japonaise. C'est le moment où le Japon entre dans une période de plus de 250 années de paix sous le règne du Shogun Tokugawa Leyasu. Cette paix japonaise sera déterminante pour la transformation des arts de combat (Bugei) en arts visant à l'éveil spirituel (Budo).


Matsumura et les débuts du Karaté


   On ne parle pas à cette époque de Karaté mais de Tode (main de Chine) ou Te (main) pour désigner cet art de combat qui s'est implanté principalement à Naha et à Shuri, les deux principales villes d'Okinawa.


   Un homme, Sokon Matsumura, aura une influence déterminante dans ce qui deviendra peu de temps après le karaté. Matsumura était un jeune noble d'Okinawa (rappelons qu'il n'y avait pas de samurai à Okinawa). Il est né au début du XIX ème siècle. Il a un peu plus de 20 ans quand il obtient l'autorisation exceptionnelle d'aller au Japon pour étudier l'école de sabre Jigen-Ryu. Il y reste deux ans pour y suivre un entraînement on ne peut plus sévère. Dans le passé il est conseillé aux adversaires de l'école Jigen-Ryu de reculer et esquiver les coups sans essayer de les parer. En effet, souvent la puissance de leurs coups de sabre est telle qu'il taille littéralement en deux et le sabre qui pare et l'adversaire qui tient le sabre !


   La base du keiko de cette école consiste en des répétitions en s'avançant avec un sabre en bois vers un arbre avec un Kiai. Arrivé à l'arbre, le pratiquant donnera le maximum de coups sur l'arbre le temps d'une seule respiration. La chose paraît simple mais il faut la répéter trois mille fois le matin et trois mille fois le soir. en plus du keiko journalier au dojo !


   Fort de cette expérience intense, Matsumura retourne à Okinawa. Il y occupe un poste important puisque il est envoyé par le roi pour payer le tribut à la Chine. Il y restera une année et demie qu'il mettra à profit pour étudier diverses méthodes de combat à mains nues et avec des armes. De nombreux récits sur ses faits d'armes et ceux de son épouse (elle-même un grand Maître) existent. C'est donc ce grand Maître d'Okinawa qui aura eu le privilège de pratiquer et au Japon et en Chine qui sera à l'origine du karaté moderne. Il aura en effet comme élève Itosu, Azato, Yabu, Chibana et d'autres Maîtres qui restèrent dans l'histoire.


Itosu et Asato


   Ces deux grands disciples de Matsumura ont tous les deux le même prénom (Anko) et pratiquement le même âge. Anko Asato (1828-1906) et Anko Itosu (1830-1915) furent les deux principaux Maîtres de Gichin Funakoshi. Au début du XX ème siècle, Itosu obtient que le karaté soit enseigné dans les écoles d'Okinawa. La modernisation du pays ainsi que les efforts pour préparer la guerre russo-japonaise (1904) propulsèrent le Karaté sur le devant de la scène.


Maître Funakoshi et le Karaté moderne


   Maître Funakoshi a par la suite introduit le Karaté au Japon. Il en a rénové et modernisé la pratique, tout en en gardant les aspects essentiels. Il a ajouté le suffixe Do (Voie) pour mettre l'accent sur la pratique du Karate-Do comme une voie spirituelle et non comme une gymnastique ou un sport. Son expérience est racontée dans le livre « Karate-do - ma voie, ma vie », que tout karatéka se doit d'avoir lu.


Le Shotokai de Maître Egami


   La pratique du Karaté-Do Shotokai désigne aujourd'hui généralement les karatékas qui suivirent l'évolution du Karaté-Do réalisée par Maître Shigeru Egami. Principal assistant de Maître Funakoshi, Maître Egami était un chercheur infatigable. Après des années de pratique il a remis en cause toute sa pratique et la tendance à utiliser toujours plus de force physique. Il a aussi pratiqué avec Maître Noriaki Inoue (Shinwa Taido). Les mouvements devirent plus amples et souples, les positions plus basses ; on cherche alors des mouvements plus naturels. Les témoignages que nous avons de cette période (les années 50-70) parlent d'une pratique « atrocement difficile ». La libération de l'esprit passe par une pratique ardue. Maître Egami conçoit le Karaté-Do Shotokai comme un moyen d'atteindre l'éveil. Il expose très clairement sa vision de la pratique du Karaté-Do dans deux livres : « Karaté-Do pour les spécialistes » et « The Heart of Karate-Do ».


Maître Murakami et la naissance de l'association Mushinkai


   Notre association - Mushinkai - s'est constituée autour d'un groupe d'élèves de Maître Tetsuji Murakami. Maître Murakami est arrivé en France le 3 novembre 1957. Pratiquant le Shotokan, il a été le premier japonais à s'établir d'une façon définitive en Europe pour y enseigner le Karaté-Do. En 1968, lors d'un voyage au Japon, il rencontre Maître Egami. La pratique qu'il a vue au dojo de Maître Egami l'a déconcerté. Il est séduit par ce groupe soudé qui suit Maître Egami et décide de changer de méthode, passant ainsi au style Shotokai. L'éloignement de Maître Egami n'a pas été un obstacle et le niveau qu'il a atteint montre sa capacité de travail et de compréhension. Tel Yoka Daichi qui avait « compris » en une seule nuit le Zen de Houei Neng, Maître Murakami a avancé seul sous l'orientation de Maître Egami. Maître Murakami le raconte, non sans humour : « C'était comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Quand j'ai changé le travail, un grand groupe d'élèves n'était pas d'accord et est parti. Auparavant je leur disais : Plus fort ! Plus fort ! Serrez les aisselles ! Alors que là je leur disais : Naturel ! Plus souple ! Enlevez toute la force ! C'est tout juste si je ne leur demandais pas de teindre leur karate-gi en noir. ».


   En 1976, Maître Egami, son épouse Chyoko et Maître Tomoji Miyamoto visitèrent l'Europe. Maître Egami fut impressionné par les progrès et le niveau de Maître Murakami. Il le nomma délégué de la Nihon Karaté-Do Shotokai pour l'Europe.


   Lors de sa visite, Maître Egami demanda à Maître Murakami : « Murakami, quand est-ce que tu as volé mon karaté ? » (L'expression « voler le karaté » veut dire que l'on a compris, par ses propres efforts, l'esprit de son Maître). « Je n'ai fait que de vous imiter » répondît-il. Egami conclut : « C'est bien ! C'est bien ! Tout apprentissage commence par l'imitation ».


   Plus tard, lors de la même visite, Maître Egami dira : « Avant, Maître Murakami était un homme de combat et cela se voyait sur son visage, depuis il a changé et cela se voit aussi sur son visage ».


   Maître Murakami a résidé à Paris jusqu'à son décès le 24 janvier 1987. Outre la France il a diffusé le Shotokai en Italie, Portugal, Suisse, Yougoslavie et Belgique.


   En 1989, plusieurs de ses élèves ont crée l'association Mushinkai pour continuer à diffuser le karaté selon les principes de Maître Murakami. Mushinkai regroupe des dojos en France, Italie et Suisse. Xavier Corbin, élève de Maître Murakami depuis les années 60 est le président du groupe. Luis de Carvalho, qui a été le premier assistant de Maître Murakami de 1982 à 1987, est le responsable de l'enseignement, aidé en cela par Jean-Marc Labat et Pierre-Jean Boyer, qui furent eux aussi assistants de Maître Murakami.


   Des cours sont assurés régulièrement dans plusieurs dojos et des stages sont assurés régulièrement.


Keiko (la pratique)


   Maître Murakami nous a souvent répété que le côté éducatif était, dans notre pratique, primordial. Par éducation nous n'entendons pas une simple accumulation de connaissances ou de performances techniques. L'éducation, d'après le Karaté-Do Shotokai est la capacité à former des hommes libres, capables de penser par eux-mêmes. Education veut dire réfléchir sur soi-même, sur la pratique, sur le « moi » et les relations avec les autres.


   Selon cette vue tout lieu est un dojo et il n'y a plus de barrière entre le dojo et l'extérieur, soi et les autres.


   Les motivations initiales qui poussent un débutant à franchir la porte du dojo et revêtir un karaté-gi peuvent être multiples. A vrai dire, nous ne pensons pas que ce soit là un facteur primordial. On peut vouloir devenir plus fort, ou apprendre à se défendre, ou chercher une pratique physique saine, une sorte de gymnastique un peu exotique, une recherche de l'harmonie avec la nature, etc. Quoi qu'il en soit, un bon enseignement doit transformer les pratiquants et les amener à se connaître eux-mêmes, fournir en quelque sorte un miroir.


   Il faut plusieurs années de pratique ardue et régulière pour commencer à entrevoir la Voie. Comprendre le Karaté-Do Shotokai veut que, peu à peu, on passe d'une pratique physique, limitée (jutsu) à une pratique unificatrice (Do). Le Do est une voie de l'union, union entre le corps et l'esprit, entre soi et les autres. Cette union vise à la réalisation de soi-même ou Muga (non-ego).


   Un tel cheminement peut avoir des composantes intellectuelles mais il nécessite ce que Maître Murakami définit comme « casser le corps, enlever tout ce qui est purement musculaire », « pour cela une pratique extrêmement dure est nécessaire ». Trop d'intellectualité ne fait pas avancer et peut même faire régresser, parfois.


   Le Karaté-Do Shotokai est une Voie qui peut nous aider pas à pas à traverser l'océan de la vie sans se faire engloutir aux premières vagues fortes.


   Maître Murakami parlait de « travail » pour ce qui concerne le keiko. Sachant que le mot « travail » vient du latin « tripalliare » qui veut dire torturer, nous pensons que le mot pratique est plus adapté comme traduction du mot keiko (étude des choses anciennes) qui se veut avoir une connotation de pratique physique et spirituelle.


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