L’après SIM – (rencontre internationale de Shotokai à Almada)

   S’il est vrai que notre pratique s’élabore et se juge sur la durée, il est temps 17 ans après la mort de Maître Murakami de se retourner pour mesurer le chemin parcouru par ceux qu’il a formé, qui ont eu la chance d’être ses élèves et de regarder autour de nous où chacun a abouti.


   C’est peut-être ce que nous avons fait lors de la rencontre de Almada¹. Cette rencontre nous a permis de resserrer les liens entre ceux qui ont continué à suivre la Voie de Maître Murakami, qui suivait lui-même celle de Maître Egami.

Oui, cette rencontre m’a permis de m’assurer, de me conforter dans le chemin que nous avons suivi en France sous la direction de Luis de Carvalho, même si cela fut difficile : plus de Dojo à Paris, 4 pratiquants à s’entraîner soit à l’extérieur y compris l’hiver soit à 6h30 les samedis matin.

Mais il faut accepter, quand nous sommes persuadés de suivre une voie correcte, accepter d’être seuls, isolés.


   Oui, nous sommes bien les élèves de Maître Murakami et continuateurs dans la voie qu’il nous avait tracée. Bien-sûr, nous avons beaucoup parlé de Maître Egami et c’est normal. Il doit apparaître très clairement qu’il est le fondateur de notre école surtout au moment où Maître Egami, son souvenir, a tendance a être effacé par ses successeurs au Hombu Dojo (cf. l’interview de Maître Tomoki Miyamoto et la nouvelle parution du livre The heart of Karate-Do). Mais cette référence ne doit pas servir à effacer, affaiblir l’apport essentiel de Maître Murakami.


   Si notre enseignement comporte une composante importante, l’humilité, il en comporte une autre qui est la responsabilité.


   Certains ont parlé « d’échec du Karate-Do » ou d’ « erreurs importantes » faites par notre Maître !

Comme l’a si bien rappelé le docteur Krug (dont les interventions ont toujours été très justes) en réponse à ceux qui veulent « abattre les idoles »et être ainsi eux-mêmes plus reconnus, l’échec est la conséquence d’une pratique erronée du Karate-Do et est en lien avec la question du changement de pratique.


   Changer, il faut changer !

   Voilà bien une affirmation péremptoire qui ne peut masquer les arrières pensées tant il y en a.

   Tel que cela a été présenté, le changement préconisé n’a rien à voir avec une évolution naturelle, normale de toute pratique.

   Cela n’a rien à voir non plus avec le doute, état d’esprit qui nous oblige à réfléchir plus intensément sur soi, nos actions, notre pratique, sur notre travail qui parfois devient mécanique et perd de sa profondeur.

   Certes, il est vrai que, dans nos Sociétés Occidentales, le changement surtout s’il est constant et rapide, apparaît aujourd’hui comme un signe de modernité.

   Certains sont alors plus sensibles, accessibles à toutes sortes de « prophètes » qui s’appuient sur le rejet de soi disants dogmes du passé !

   Il ne serait plus possible de fonder nos actions sur des valeurs intangibles, des certitudes, des convictions.


   Il faut donc s’interroger sur le contenu, le sens, la signification qui se trouvent derrière le terme de changement et sa impérieuse nécessité.

   Changer pour changer ?

   Changer pourquoi et quoi changer ?

   Changer parce que nous manquons de confiance dans notre pratique ou parce que nous rencontrons des difficultés à pratiquer correctement (avec l’âge par exemple) ?

   Comme José Pasqualinho l’a rappelé, il a pratiqué 35 ans avec Mario Rebola. A-t-il la sensation que rien ni personne n’a changé, n’a évolué, n’a progressé ?


   Le changement peut-il simplement d’effectuer par la simple volonté raisonnée ou par le travail, les sensations sans jamais oublier nos fondamentaux. Il ne faut surtout pas confondre immuabilité des formes et celle du fond.

   Comme Mario Rebola le rappelle très justement à la fin de son intervention, notre pratique doit aider à faire évoluer le monde dans lequel nous vivons, le changer : voilà une vraie contribution du Karate-Do Shotokaï.


   Non, ne perdons pas notre temps à écouter ces personnages qui ne pensent qu’à eux et qui ne cherchent à « progresser » qu’en semant la confusion dans des esprits faibles.


   Je m’interroge toujours, et encore plus après la rencontre d’Almada, sur ce que signifierait une union, une structure regroupant et donnant un sens international aux groupes Shotokaï.


   Le groupe d’Harada n’était représenté que par des élèves isolés et n’ayant pas pratiqué avec leur Maître depuis de nombreuses années : leur pratique ne ressemble en rien à la notre ce qui n’enlève rien à leurs qualités humaines.


   Qu’adviendrait-il d’une structure organisée (par la volonté d’anciens élèves de Maître Murakami) si elle acceptait en son sein les élèves d’Harada avec qui notre Maître n’avait pas d’excellentes relations et ceux d’Iruma dont on sait quoi penser après la rencontre de l’hotel Nikko à paris en 1986 !


   J’aurais quelques difficultés à m’y sentir bien, comme je me sens bien en compagnie de mes collègues portugais dans la pratique desquels je retrouve notre Maître.


   Si s’enfermer peut signifier s’appauvrir, s’ouvrir ne signifie pas se laisser envahir !


   Enfin, il est bien-sûr nécessaire de perpétuer le souvenir de Maître Egami et de Maître Murakami. Est-ce par des sites internet ? des publications ? avant tout par notre pratique et par notre pratique commune.

   N’oublions pas que ceux qui ont le plus publié de livres ont été ceux qui avaient le moins compris l’enseignement de Maître Murakami et par conséquent s’en sont le plus éloignés.


Pierre-Jean Boyer   


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