Un samouraï du XX ème siècle


   Par modestie ou véritable esprit du budo, il ne «s'affiche» que très rarement dans les revues ou les démonstrations officielles. Il a choisi la voie discrète et sincère du budoka et on ne peut que l'en louer. Tetsuji MURAKAMI, 5 ème dan, est pourtant un des fondateurs du karaté français.


   Le personnage est d'allure stricte, à l'image de ces samouraïs sortis du bushido. Difficile d'approche, il vit au milieu des siens, en famille, en homme tranquille avec sa pipe et de bons livres. Le karaté est tout pour lui. Aussi lui arrive-t-il de méditer longtemps sur un même mouvement; c'est un idéaliste à la recherche de la perfection qui vit un karaté générateur de cet équilibre et de cette sérénité que nous recherchons tous.


   Il arrive dans notre pays en 1957, premier instructeur japonais de karaté à venir s'y établir. Il choisit la France sur les conseils de Minoru MOCHIZUKI chez qui il suivait des cours d'aïkido à Shizuoka. Il pratique depuis ses débuts, le style shotokan avec comme professeur le Maître YAMAGUCHI, 5è dan, un des plus anciens élèves du Maître FUNAKOSHI. En 1968, après avoir mûrement réfléchi avec son collègue HARADA, il s'oriente vers le Shotokaï sous la direction du Maître EGAMI.


   Le shotokaï l'intéresse pour trois raisons : pour la tradition japonaise qui s'y perpétue, pour le rythme du travail qui s'effectue plus en sensation, et pour l'ouverture d'esprit qui règne au sein du groupe, l'amitié et l'intimité de ce rassemblement. A l'heure actuelle, il est responsable de ce style pour l'Europe et pense faire venir maître EGAMI au printemps prochain.


   Son travail à l'entraînement est difficile pour les occidentaux qui ont plus tendance à «acheter» du karaté tout fait qu'à pratiquer la difficile recherche de la perfection du mouvement. Son cours commence par un très long échauffement destiné à «vider» les élèves de manière à faire disparaître chez chacun les mauvaises habitudes, les contractions et blocages innés.


   Pratiquant de nombreuses techniques, MURAKAMI est un karatéka très complet mais c'est oi-tsuki et uraken qu'il emploie le plus suivent. Son exercice favori est midare ou rentrée dans l'adversaire sans arrêt jusqu'à, la réussite du mouvement; une forme de ippon kumité sans pause.


   Durant sa carrière au Japon, où il exerçait le métier de commerçant, MURAKAMI s'entraînait à la dure. Dans un DOJO de Shizuoka, ses élèves rivalisaient avec ceux d'un club de boxe. Un beau jour, il en vint à disputer un combat avec son collègue du noble art. Tetsuji désirait remporter ce face à face sans utiliser les jambes. Le résultat s'avéra longtemps incertain tant les coups de poings pleuvaient. Mais profitant d'un crochet, MURAKAMI parvint à contrer en shuto uchi dans le flanc et obtint la victoire sur le boxeur par K.0..


    Dans son Dojo, il avait récupéré les vieilles armures d'entraînement des soldats nippons et pratiquait déjà le combat avec touches réelles au corps, contrôle au visage, ce qui avait fort étonné à l'époque maître NAKAYAMA. Dans ses exercices, il donne l'impression que l'adversaire n'existe pas et que l'attaque doit le traverser de part en part, notion très intéressante susceptible de freiner l'esprit d'agressivité que l'on voit se développer de plus en plus dans notre sport.


   En France, après avoir quitté le premier Dojo où il s'entraînait, il s'installa boulevard Auguste Blanqui dans un immeuble «historique» qui abritait dans deux salles les maîtres de judo KAWASHI et AWAZU, et dans deux autres, le club de boxe de FILIPPI avec Marcel CERDAN junior et Patrick BAROUX. En karaté, ses premiers disciples étaient à l'époque MM. COCATRE, HOANG NAM, MAQUIN, MORGAN, BASSISSE, FONFREDE. Une belle époque où se forgeait une grande élite sportive.


   Maître MURAKAMI a une conception très particulière de l'entraînement. On raconte que lors d'un combat de kendo qu'il enseignait également et qui durait depuis plus d'une heure, son adversaire, Jacques FONFREDE, s'effondra épuisé dans les vestiaires jusqu'où il l'avait poursuivi à coups de shinaï. A ce sujet, précisons que la rumeur selon laquelle Maître MURAKAMI frappait ses élèves est complètement fausse : il était et reste toujours très exigeant avec ses élèves comme avec lui-même mais sans plus.


   «Maître» est très vénéré d'une trentaine de dojos en France, il n'aurait aucun mal à se faire connaître davantage, mais il ne le désire pas, restant seulement conseiller technique pour les Fédérations Française, Italienne et Portugaise.


   Homme courageux et décidé, au cours des vingt années qu'il a passées dans notre pays, il n'a pas dévié d'un pouce de la voie qu'il s'était tracé au départ. C'est cela la force de caractère.



Patrick TAMBURINI   

Ecrit en 1975 pour la revue « Karatekas »   


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